Avis adopté par l’Assemblée à la séance du 5 juillet 2017
Dans le cadre du programme « Nouvelle France Industrielle » et dans la perspective du rôle clef que la robotique française peut jouer dans la ré-industrialisation de notre économie et dans le regain de compétitivité de notre pays sur les marchés mondiaux, l’Académie des technologies présente l’état actuel de la robotique française. Elle souligne les défis auxquels celle-ci doit faire face, et fait des recommandations pour repositionner la robotique française dans la concurrence internationale.
Le constat : une France forte en recherche mais faible en position industrielle
La France arrive au 4ème rang mondial pour sa recherche en robotique, grâce à ses infrastructures et à la qualité de ses formations. En revanche, pour la production de robots, notre pays ne se place qu’au 13ème rang mondial, loin derrière l’Allemagne et l’Italie.
Par ailleurs, notre industrie n’est pas assez robotisée ; nous avons cinq fois moins de robots installés qu’en Allemagne et deux fois moins qu’en Italie. Nous sommes aussi en retard face à nos concurrents américains et surtout asiatiques qui investissent massivement dans la robotisation de leur appareil productif (30% de croissance du marché en 2016 en Chine, soit 68 000 unités vendues).
La demande robotique ne trouve sur le marché que l’offre étrangère pour satisfaire ses besoins urgents. Pourtant, il existe en France des entreprises à la pointe de la technologie qui ne demandent qu’à se développer sur le marché national et mondial. Mais elles peinent à trouver des groupes de grande taille prêts à prendre le risque et à jouer le rôle d’intégrateurs. Cette question de l’intégration est cruciale pour comprendre le marché de la robotique, car elle représente le tiers d’un investissement en robotique. En effet, l’installation d’un robot requiert trois composants de valeur égale : (1) le robot lui-même, en tant que machine intégrée, (2) le logiciel permettant de piloter le robot, et (3) l’intégration du robot dans l’appareil de production existant.
Les défis : donner une image positive des robots et protéger notre écosystème robotique
En France, les discours anti-robots provoquent l’anxiété et l’incompréhension d’une partie de nos compatriotes, véhiculant des idées négatives qui peuvent se révéler très destructrices. Par exemple, la « taxe robot » serait une catastrophe pour la filière Robotique Française émergente, car elle constituerait un handicap financier sérieux face à ses concurrents étrangers et une entrave pour notre industrie. Sans oublier les risques inhérents à cette technologie, comme à toute autre, le public a besoin d’une information objective sur les apports de la robotique à la compétitivité extérieure de notre économie, mais aussi sur les occasions de formation et d’emploi créées par une robotique de premier rang.
Parallèlement à ce problème, les GAFA américains et leurs équivalents chinois des BATX, dont l’appétit pour les PME robotiques est considérable, se tiennent en embuscade pour racheter les entreprises françaises du secteur. En effet ces entreprises n’arrivent pas à trouver le financement pour traverser la fameuse « vallée de la mort » du développement de leurs activités, et elles sont absorbées, comme ce fut le cas pour le français Aldebaran racheté par le japonais Softbank.
Pour résister aux pressions externes et internes, l’écosystème français de la robotique s’organise pour survivre de plusieurs façons : autour du syndicat professionnel de robotique SYMOP, au sein de regroupements volontaires de PME françaises, ou du cluster de la région Occitanie Robotics Place, qui est en train de mettre en place la Fédération Française des Clusters de la Robotique.
Créer une filière Robotique Française visant à un premier rang mondial
La France possède tous les éléments pour créer une filière Robotique Française nouvelle au premier rang mondial. De nouveaux secteurs s’ouvrent au domaine de la robotique ce qui se traduira par une augmentation importante de ce marché. Le rapport « Technologies Clés 2020 » de l’Académie évalue ce marché mondial à 20 milliards d’euros en 2020 (dont 65% de robotique industrielle, 23% de robotique de service professionnel, et 12% de robotique personnelle). La France doit aider toute sa filière robotique à se positionner sur le marché mondial à la tête de la rupture technologique (en conception et informatisation), et voici les recommandations de l’Académie pour y parvenir :
– Accompagner les intégrateurs de robotique français, les encourager à prendre des risques face aux besoins robotiques du marché français, et ensuite à l’international.
– Mobiliser les circuits financiers pour la structuration en France de l’écosystème robotique, sur le modèle de ce qu’Aérofund a permis pour la filière aéronautique.
– Inciter les PME de la robotique à se constituer en réseaux interdépendants, évoluant en escadrons, et capables de se défendre et de se compléter.
– S’appuyer sur le rôle structurant de la DGA en tant que client exigeant et expérimenté, dont les besoins robotiques lui permettraient, en se fournissant en France, de garder un contrôle normatif et qualitatif stratégique.
– Organiser les efforts sur le terrain stratégique des normes de la robotique, de la même façon que la France a joué un rôle éminent dans la normalisation de l’industrie aéronautique au 20e siècle.
– Mettre en avant la filière robotique française, à la fois dans les médias et auprès du public, et soutenir la formation des jeunes dans ce domaine, en particulier au niveau régional.