L’Académie des technologies dévoile son rapport présentant les grands enjeux de l’hydrogène pour la transition écologique et le développement industriel. Elle émet quatorze recommandations regroupées en quatre thèmes et définit des priorités aux usages de l’hydrogène décarboné en prenant en compte les aspects économiques souvent négligés. Elle préconise le développement d’une industrie française et européenne couvrant toute la chaîne de la production à l’utilisation de l’hydrogène en visant les marchés mondiaux. Enfin elle recommande l’accroissement de l’effort de Recherche et Développement.
Les objectifs de réduction drastique des émissions de CO2, voire de neutralité carbone en 2050, provoquent dans de nombreux pays dont la France un regain d’intérêt pour la production d’hydrogène décarboné. De nouveaux usages de cet hydrogène sont envisagés tels que la substitution à l’hydrogène carboné dans l’industrie, l’injection jusqu’à 20 % dans les réseaux de gaz naturel, la transformation en méthane ou en carburants liquides (e-fuels et notamment carburants de synthèse pour le transport aérien), la production d’électricité par conversion dans des piles à combustible (PAC) stationnaires (alimentation d’écoquartiers ou de bâtiments) ou embarquées dans des véhicules. L’hydrogène est parfois évoqué comme un vecteur de stockage d’énergies solaires et éoliennes intermittentes. Ces différents usages viendront en concurrence compte tenu du potentiel limité de production d’hydrogène décarboné en France, hors recours à l’électricité nucléaire.
L’Académie analyse les problématiques de production, stockage, distribution, et risques associés pour en déduire les usages prometteurs et en écartant certains au regard des critères économiques et de faisabilité comme par exemple le stockage massif d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables pour produire in fine de l’électricité.
Les principales recommandations sont les suivantes.
1- Privilégier et promouvoir les applications de l’hydrogène en considérant le coût de la tonne de carbone évitée
- Assurer prioritairement une production décentralisée d’hydrogène par électrolyse pour les usages industriels diffus en substitution des productions centralisées et émettrices de CO2.
- Développer l’usage de l’hydrogène pour les transports lourds et les flottes locales urbaines et périurbaines en équipant les grandes capitales régionales, tout en veillant aux enjeux de sécurité.
- Encourager l’injection d’hydrogène décarboné dans les réseaux de gaz pour soutenir la demande et bénéficier ainsi d’économies d’échelle dans la production.
- Développer des démonstrateurs industriels de systèmes de stockage et de distribution 100 % hydrogène notamment pour l’approvisionnement énergétique des zones non interconnectées (ZNI).
2- Se doter d’un cadre politique favorable
- Assurer la cohérence des opérations de démonstration initiées par les territoires.
- Développer des outils d’analyse système et des scénarios d’ensemble, couplant notamment le secteur électrique et le secteur gazier.
- Sécuriser l’utilisation de l’hydrogène en poursuivant les travaux normatifs et réglementaires au niveau européen.
- Mettre en place à l’échelle européenne une certification d’origine de l’hydrogène exclusivement fondée sur les émissions de CO2 lors de sa production (ce qui n’est pas le cas actuellement).
3- Promouvoir une industrie française et européenne de la chaîne de l’hydrogène
- Promouvoir de façon volontariste une filière industrielle française et européenne Électrolyseur/Pile à combustible à partir de l’écosystème déjà dynamique et soutenir les entreprises de toute la filière par l’amplification de prises de participation, soutiens en fonds propres, aides remboursables, aides à la trésorerie.
- Ne pas négliger la production par voie reformage/CCUS en associant les acteurs français d’envergure internationale.
- Valoriser les opérations de démonstration en veillant à ce qu’elles n’aient pas comme principale conséquence l’importation d’équipements produits en Asie ou en Amérique du Nord.
4- Préparer l’avenir par un effort français et européen accru de R&D
- Amplifier la recherche et développement, particulièrement sur les technologies à maturité intermédiaire, en soutien au lancement de la filière et à l’émergence de groupes industriels à ambition mondiale.