Dans un rapport commun, l’Académie de l’air et de l’espace et l’Académie des technologies proposent un état de l’art technique et réglementaire mondial des biocarburants aéronautiques avec un éclairage spécifique sur les acquis français et une road-map technologique de ce que pourrait devenir un nouvel axe de développement des biocarburants.
La croissance continue du trafic aérien – on prévoit son doublement entre 2030 et 2050- amène les compagnies aériennes à rechercher des solutions pour réduire l’impact de l’aviation sur le changement climatique, dans un contexte de raréfaction des ressources fossiles. Les biocarburants aéronautiques ou biojet fuels, sont considérés comme l’un des facteurs permettant de réduire les émissions chimiques de l’aviation de façon significative. La France possède toutes les forces pour être un acteur majeur dans ce domaine. De nombreuses filières de biojet fuels ont été identifiées et sont en cours de développement et de certification.
Cependant, outre la disponibilité de la ressource biomasse qui n’est pas illimitée, l’absence d’un cadre législatif et financier suffisamment clair et la difficulté à trouver un modèle économique compétitif, sont autant d’obstacles qui freinent le développement de cette nouvelle technologie. En final, c’est toute la question des conditions d’émergence d’une bio-économie qui est posée.
Le Groupe de travail de l’Académie de l’air et de l’espace et de l’Académie des technologies s’est adjoint des experts des différents centres de recherche et industries concernés : aéronautiques, producteurs et distributeurs de jet-fuel, producteurs de biocarburants, chercheurs spécialistes de la biomasse et de sa transformation en biocarburants. Le groupe ainsi formé a auditionné de nombreuses personnalités du domaine et livre ainsi le premier rapport français sur ce carburant du futur.
Les deux académies émettent auprès des pouvoirs publics plusieurs recommandations pour permettre le développement de filières de biojet fuels :
– Mettre en place un cadre réglementaire et financier stable afin de garantir la demande dans le temps et permettre aux industriels d’investir. Une première étape pourrait être, par exemple, l’inclusion claire du domaine aéronautique dans la Directive énergies renouvelables. Il faut dégager des moyens financiers cohérents avec la politique définie, notamment par l’Europe, autour de l’European Advanced Biofuels Flight Path qui se donne pour objectif une production de deux millions de tonnes de biojet fuels par an en 2020. Or, les technologies utilisées pour la production de biojet fuels sont complexes et plus coûteuses que celles utilisées pour les biocarburants routiers car il faut obtenir un carburant sans oxygène ; dans un secteur d’activité internationale, dans lequel le jet fuel n’est pas taxé, les leviers réglementaires (mandat d’incorporation, défiscalisation) des carburants routiers sont inopérants. Le rôle des pouvoirs publics est donc essentiel et doit se traduire par une vision long terme, un cadre réglementaire stable et si possible des incitations économiques, toutes conditions nécessaires pour attirer les investissements privés.
– Veiller à une planification rigoureuse de l’affectation des sols afin de limiter l’effet Land Use Change. La destruction de certains écosystèmes qui sont de puissants réservoirs de carbone et des capteurs de CO2 (forêts par exemple) pour leur substituer des terres agricoles renvoie vers l’atmosphère une partie du carbone auparavant stocké dans le sol : cette émission intervient négativement dans le bilan carbone des biocarburants.
– Définir les priorités d’usage. Il existe des compétitions émergentes ou classiques pour la biomasse – compétition avec les biocarburants routiers, entamée depuis plus de quinze ans ; compétition plus récente avec des marchés en développement comme ceux des biomolécules (colles et solvants…), des biomatériaux (fibres, polymères, plastiques…), des bio-ingrédients (cosmétiques, compléments nutritifs…) en plus des utilisations traditionnelles que sont le chauffage, le bois d’œuvre, la fabrication du papier, etc…. La multiplicité des usages de la biomasse demande un arbitrage clair de la part des pouvoirs publics.
– Sensibiliser le secteur amont produisant la biomasse à la spécificité de l’aéronautique. Le secteur aéronautique peut constituer une opportunité pour compenser, par exemple, une éventuelle baisse des objectifs européens relatifs aux carburants routiers. Une initiative appelée Biofuel initiative France a été mise sur pied par Airbus, Air France, Safran et Total, en juin 2013. Son extension aux principales sociétés françaises investissant dans la biomasse pourrait être utile, à l’image de ce qui existe aux Etats-Unis (Farm and Fly Initiative 2012).
Conférence de presse du 24 septembre
Quel avenir pour les biocarburants aéronautiques ? Académie des technologies, Académie de l’air et de l’espace – EDP Sciences, 2015, 84 P.
Contact presse : Catherine Côme – Tél. : 01 53 85 44 30 – catherine.come@academie-technologies.fr