La production et l’utilisation de l’énergie se modifient sur toute la planète sous l’effet de forces diverses, les unes subies (redistribution des besoins et des res- sources de la planète, anticipation de la fin des ressources fossiles), les autres voulues (recherche de l’indépendance énergétique, lutte contre le changement climatique, compétition industrielle). Notre pays a entamé une réflexion sur les politiques à suivre.
L’Académie des technologies, à la recherche d’un consensus large, expose dans le présent texte les données techniques qui articuleront les options stratégiques du gouvernement à un horizon de 15 à 20 ans. Il ne constitue pas un avis et ne propose pas de choix de scénarios. C’est une première contribution technique préalable à la définition des options stratégiques et aux évaluations économiques.
L’Académie a étudié avec attention deux modes d’évolution différents et presque contradictoires dans lesquels sont déjà engagés les États-Unis et l’Allemagne. Ces comparaisons fournissent de très utiles enseignements.
Pour la France, la première certitude est qu’il faut maîtriser la demande et économiser l’énergie et, surtout, améliorer son utilisation. On peut espérer diminuer les besoins par des mesures telles que isolation des bâtiments, y compris dans l’ancien, appareils ménagers plus efficaces, chauffage par chaleur directe, géother- mie, chaleur de récupération avec réseaux urbains, capteurs solaires thermiques, pompes à chaleur, etc. Il faut concevoir des villes nouvelles économes en énergieet requérant moins de déplacements individuels. Il ne faut pas sous-estimer la difficulté de ces problèmes, qui ne sont pas nouveaux et dont la résolution de- mandera un effort financier et sociétal important et continu.
De tous les combustibles fossiles, ce sont les combustibles liquides pour les- quels la compétition sera la plus dure et la moins lointaine. Leur emploi doit être réservé au transport et à la chimie. Le parc des véhicules évoluera vers une utilisa- tion plus large de l’électricité, au moins dans des véhicules hybrides, et peut-être au gaz, mais cela ne représentera pas un transfert important d’énergie en 2025. L’industrie, de son côté, devrait stabiliser sa demande en continuant à améliorer ses procédés.
Pour la production d’électricité, le parc actuel de centrales nucléaires, restera disponible, quitte à être moins utilisé. On s’efforcera d’améliorer la flexibilité de la production nucléaire pour éviter que le développement des énergies intermittentes n’augmente la consommation d’énergies fossiles. Les problèmes liés à l’inter- mittence des énergies éoliennes et solaires sont étudiés en détail, des solutions existent, mais elles ont forcément leur coût. Le rythme de construction actuel est suffisant s’il est poursuivi avec continuité. Il n’y a pas lieu de dépasser le niveau requis pour fournir la demande estivale car l’électricité excédentaire trouverait difficilement preneur. Le nucléaire peut servir utilement d’appoint pendant les intermittences longues, l’hydro-électricité (notamment les stations de turbinage pompage), des centrales à gaz à cycle combiné ou des centrales thermiques déjà existantes étant utilisables pour les périodes courtes. Pour assurer les équilibres, le développement de réseaux de plus en plus « intelligents » est essentiel.
Les énergies renouvelables continues (hydraulique, géothermie, biocarburants, biogaz) doivent être développées. Il paraît aussi indispensable, pour assurer l’avenir, d’évaluer les possibles réserves de gaz de roches-mères dont notre pays pourrait disposer.
La baisse totale de la consommation d’énergie en France pourrait atteindre –15 % en 2025 et –33 % en 2050.