Lettre ouverte
Pour un confinement sélectif aidé par le traçage numérique
En l’absence de vaccin contre le Covid19 et de traitements pour soigner cette maladie, nous avons dû temporairement accepter le confinement systématique de la population pour ralentir la propagation de l’épidémie et éviter la saturation de notre système de soin. Cela n’a pu être réalisé qu’au prix de notre liberté de circulation, du fonctionnement de l’économie, de notre bien-être matériel et psychologique et de la qualité de l’enseignement reçu par nos enfants.
Pour mettre fin à ce confinement sans déclencher une recrudescence de l’épidémie et risquer un nouveau confinement, il est nécessaire de pouvoir identifier le plus rapidement possible et prévenir toutes les personnes présentant un fort risque d’avoir été contaminées (personnes contacts) afin qu’elles prennent toutes les mesures nécessaires dans le cadre du processus Tester, Tracer, Isoler. En effet ces personnes à risque ont pu avoir des contacts avec des personnes infectées ne présentant pas, alors, de symptômes et testées postérieurement. Il sera ainsi possible d’éviter que les personnes contacts ne propagent le virus aux individus qu’elles approchent en les encourageant à s’isoler pour leur apporter rapidement les soins dont elles auraient éventuellement besoin. Un tel traçage permet un confinement sélectif intelligent. Le test de dépistage virologique devra être proposé aux personnes contact en tenant compte du temps nécessaire pour que le virus soit détectable dans le naso-pharynx après contamination (environ 7 jours après le contact potentiellement infectant). Dans l’attente du résultat du dépistage virologique il doit leur être demandé un port impératif du masque, accompagné du plus strict respect des gestes barrières, et d’une réduction drastique de leurs contacts. Leurs sujets contacts devront aussi être tracés a posteriori.
Pour couvrir une très large partie de la population en assurant un retour d’information aussi rapide que possible aux cas contacts l’ampleur d’un processus Tester, Tracer, Isoler classique à mettre en œuvre est considérable. De très nombreuses brigades d’enquêteurs sont nécessaires, chaque enquête peut prendre beaucoup de temps et laissera de côté les cas contacts anonymes rencontrés dans des lieux publics. Dans ce contexte le processus de traçage numérique vise à automatiser autant que possible les opérations de traçage manuel afin de maîtriser la quantité d’enquêteurs, de diminuer la durée des enquêtes et améliorer leur efficacité. Il complète et ne se substitue pas à un traçage manuel et de même il n’en utilise pas le système d’information.
Les principes techniques d’une application de traçage numérique
Sans entrer dans le détail des méthodes employées, les solutions de traçage reposent sur trois opérations :
Détection d’une rencontre : actuellement c’est protocole Bluetooth qui est envisagé, pour permettre à deux portables éloignés de moins d’une dizaine de mètres de s’identifier et converser entre eux (dans certains pays c’est la technique du GPS qui sert à capter les rencontres)
Échange pendant une rencontre : chaque téléphone émet un identifiant (anonyme, non relié à son numéro de mobile et qu’il peut changer régulièrement et enregistre tous les identifiants qu’il reçoit.
Rétro-propagation des risques : quand un individu est contaminé, le système de traçage peut prévenir les personnes avec lesquelles il a été en contact sans révéler son identité.
Grâce à la base de données, les épidémiologistes peuvent, de plus, avoir une vision globale de la progression de la pandémie (par exemple l’identification précoce des clusters), à partir d’informations individuelles anonymes.
Les limites d’un protocole numérique de traçage
Même si le protocole garantit la sécurité des données et l’anonymat des personnes qui alertent sur le fait qu’elles ont été testées positives, il est possible d’imaginer des risques d’usage malveillant ou de détournement (https://risques-tracage.fr/). Les personnes encouragées à installer une application de traçage doivent avoir été dûment informées des risques que le système choisi ne peut totalement éliminer et de la possibilité de désactiver l’application lorsqu’elles le souhaitent.
Permettre à chacun de participer à la lutte contre la pandémie
En utilisant l’application, chacun peut contribuer activement à enrayer l’épidémie, à fournir des données aux scientifiques qui analysent celle-ci et bien sûr à se protéger soi-même et à protéger ses proches.
Organiser la confiance
Pour augmenter l’adhésion des citoyens à l’usage d’une application de traçage il importe de préciser que le devoir de secret médical tel qu’il est pratiqué par les professionnels de santé sera étendu à toute personne pouvant avoir accès à des données numériques collectées. Par ailleurs c’est l’Etat qui aura la responsabilité d’assurer 7j/7 et 24h/24 le fonctionnement de l’application, et de veiller à la sécurité de la plateforme, comme il le fait déjà avec succès pour d’autres plateformes numériques (impôts, hub santé, carte vitale…) au travers d’organismes qui auront fait la preuve de leur capacité à assurer la protection des données individuelles.
Signataires :
Patrick Couvreur, Président de l’Académie de Pharmacie
Bruno Jarry, Président honoraire de l’Académie des Technologies
Liliane Keros, Secrétaire Perpétuelle de l’Académie de Pharmacie
Gerard Roucairol, Président honoraire de l’Académie des Technologies
Sébastien Candel, Membre de l’Académie des Technologies