L’Académie des technologies souligne combien dans ces temps de transition, une attention particulière doit être portée aux objets techniques, envisagés dans leur matérialité, mais aussi dans leur devenir. Ces objets prolifiques, parfois communicants et souvent plus ou moins gadgets, façonnent les rapports sociaux et consomment irréversiblement une partie de plus en plus importante des ressources énergétiques et minérales de la planète.
Ces objets ne sont pas de simples supports de fonctionnalités. Ils ont une existence objective dans le monde et un cycle de vie à eux, par-delà les usages que l’on en fait.
Un enjeu de la culture technique, comme de l’enseignement technique, est de rendre visible, tout ce qui entre dans la constitution des objets techniques qui peuplent l’environnement quotidien – par exemple, les smartphones. Car le développement fulgurant du virtuel, loin de dématérialiser les technologies de la communication, augmente la consommation d’objets et de matériaux divers.
D’où viennent les objets techniques? Comment et avec quoi sont-ils fabriqués ? Que deviennent-ils après usage ? Tous ces objets ont une vie propre. Elle commence par l’extraction des matières premières qui les constituent, se poursuit dans leur manufacture, leur diffusion, leurs usages, et dure encore par delà ce que l’on prend pour leur fin de vie : qu’on les recycle, qu’on leur invente une seconde vie, ou qu’on les mette au rebut, ils persistent dans l’environnement.
Pour un usage des objets techniques plus sobre et plus averti de leur matérialité, l’Académie propose quelques pistes:
- Déployer le système sociotechnique qui sous-tend la fabrication et l’usage des objets. Ils sont issus de l’industrie et leur compréhension par les usagers doit être intégrée dans le processus de réindustrialisation.
- Sensibiliser les fabricants, consommateurs et usagers aux coûts matériel, environnemental, humain et social de la fabrication de ces objets et de leur mise au rebut.
- Favoriser une économie de la maintenance et de la réparation afin de combattre la tendance générale à l’obsolescence et à l’accumulation de déchets issus des objets techniques.
- Contribuer à la lutte contre les formes de dépendance, d’aliénation ou au contraire d’exclusion engendrées par l’utilisation généralisée des nouvelles technologies.
- Donner de la profondeur historique et culturelle aux objets techniques en les situant dans l’évolution des techniques et des sociétés.
- Revaloriser l’objet technique en montrant qu’il n’est jamais fini, mais toujours en devenir parce qu’il peut être optimisé ou bien détourné de ses fonctions originelles par les usagers.
Afin de concrétiser ces objectifs, l’Académie suggère d’ouvrir les « boîtes noires » que sont les objets techniques, au travers de plusieurs initiatives :
- Faire parler les objets en convoquant plusieurs disciplines (technologie, sciences de la nature, sciences sociales et arts) comme le font les musées sur les objets-patrimoines.
- Raconter les histoires qui s’entremêlent depuis la genèse des objets jusqu’à leur fin de vie, éventuellement sous forme de séquences YouTube ou de bandes dessinées.
- Connaître par le « faire et défaire » : ouvrir les boîtes noires, démonter l’objet pour identifier ses composants, c’est nécessairement s’interroger sur son assemblage, les procédés de montage. On peut faire des essais, des expériences, des simulations sur le modèle des Fab Labs, tiers-lieux ouverts au public où sont mis à sa disposition des outils de toutes sortes pour la conception et la réalisation d’objets.
Par ces quelques pistes de réflexion, l’Académie des technologies promeut une culture et une éducation techniques focalisées sur la matérialité des objets techniques quotidiens, orientées vers la société et l’environnement et propres à démystifier des craintes sur certaines technologies comme à inspirer des comportements plus responsables pour un développement durable et soutenable.