« Les nanotechnologies, enjeux et conditions de réussite d’un projet national de recherche »
Rapport -16 décembre 2002-
Après avoir étudié l’état des connaissances dans le domaine des nanotechnologies, en France et dans les autres pays, l’Académie des technologies s’est convaincue qu’il se préparait une véritable révolution, susceptible d’affecter des branches des activités humaines nombreuses et diverses mais aujourd’hui difficilement prévisibles. Elle recommande vigoureusement aux pouvoirs publics de lancer un « projet national de recherche » dans la perspective esquissée dans ce rapport.
Pourquoi une telle importance pour les nanotechnologies ? La possibilité qui s’offre d’agir à un niveau qui est celui des atomes et des molécules modifie profondément les propriétés de la matière sous toutes ses formes. Cette capacité sans précédent va probablement bouleverser tout ce que l’on conçoit et fabrique, des vaccins aux ordinateurs et des pneus de voiture aux objets que l’on n’imagine pas encore. Mais pour y parvenir, il ne suffit pas de laisser libre cours à l’imagination des chercheurs car la recherche en nanotechnologies est distincte de celle en nanosciences : elle doit être faite en vue des applications et rechercher un impact économique.
C’est un défi majeur pour la France car il faut faire travailler ensemble autour d’objectifs communs de nombreux acteurs (scientifiques et ingénieurs). Comme souvent dans notre pays, il existe des compétences de qualité en nanosciences mais une grande insuffisance dans le domaine de la technologie. Dans la compétition à l’échelle mondiale qui se prépare, les pouvoirs publics ont un rôle déterminant à jouer. Les États-Unis, champions de la libre entreprise, ont lancé un vaste programme fédéral de recherches avec des moyens considérables. La plupart des autres pays ont suivi.
L’Académie milite donc pour la création d’un « projet national de recherches en nanotechnologies » majeur, de caractère interministériel, avec des moyens suffisants, venant compléter et amplifier les actions incitatives actuelles engagées par le Ministère de la Recherche.
Cette action devra se fonder sur des projets pertinents et dûment évalués. Elle ne se contentera pas de soutenir les quelques centres d’excellence bâtis autour de grosses infrastructures. Pour préparer la pénétration en profondeur de ces technologies à venir, il faut agir sur l’ensemble du territoire et pour cela mettre en place les infrastructures de taille moyenne nécessaires au niveau local et régional. On s’appuiera donc sur les universités et les établissements d’enseignement supérieur pour créer ainsi des centres universitaires, de taille intermédiaire (comme il en existe tant à l’étranger). Ces centres devront surtout être largement ouverts sur l’extérieur, donnant en particulier un accès facile aux « jeunes pousses » qui devraient jouer un rôle important dans le transfert de ces nouvelles technologies vers les industries de production. Le projet devra adopter des procédures à la fois exigeantes, pour utiliser au mieux les moyens disponibles, et variées, pour s’adapter à la diversité des besoins. La mise en compétition des projets devra être pratiquée systématiquement. On pourra aussi inciter les acteurs de la recherche à se regrouper pour présenter des projets cohérents, y compris pour l’attribution d’équipements. On favorisera l’émergence de regroupements interdisciplinaires, essentiels pour aborder de nombreux domaines d’applications. Il faudra aussi rechercher l’implication des industriels dans la conduite de l’initiative, pour participer à un effort prospectif et s’assurer de la pertinence de l’action au plan technologique. Néanmoins, dans la phase actuelle d’émergence des nanotechnologies, il semble indispensable de donner priorité à la recherche exploratoire en finançant des projets originaux et innovants, et pas seulement des projets ciblés. De façon générale, la mise en cohérence et le pilotage des moyens humains, matériels et organisationnels de l’initiative justifiera la création d’une instance temporaire pendant la phase de lancement des nanotechnologies en France.
Ces actions devraient avoir une vocation structurante pour le tissu de recherche français, constituant ainsi une occasion à ne pas laisser passer de le modifier et le moderniser. Le projet devra aussi se préoccuper de créer des formations nouvelles pour les scientifiques et les techniciens. Il ne faut pas oublier non plus les actions de communication pour donner au public une image accessible de la science et de la technologie et de leur apport à notre bien- être.
Pour mener à bien ces actions, l’Académie des technologies formule six recommandations.