Les grands systèmes socio-techniques en réseau – tels le système ferroviaire, le système aérien, le système électrique, le système des télécommunications, puis Internet – ont progressivement et profondément modifié nos vies et, plus généralement, la société humaine. Pour le citoyen, ils incarnent, au quotidien, sciences et techniques, mais surtout, ils fournissent des services devenus indispensables à la vie quotidienne et ont une place significative dans nos budgets familiaux. Les pays en développement s’efforcent de les mettre en place au mieux.
Au-delà de leurs missions spécifiques, ils ont des caractéristiques communes : ce sont des réseaux souvent continentaux voire mondiaux, dont on attend des services ininterrompus, qui réunissent des millions voire des milliards d’objets élémentaires, dont le fonctionnement repose sur la coopération d’un grand nombre d’acteurs aux compétences très différentes et qui sont vus, à l’échelle humaine, comme éternels.
Leur importance – ne serait-ce que sous l’angle des emplois qu’ils assurent – justifie donc leur étude.
L’Académie des technologies est directement concernée puisqu’ils sont au cœur d’un « progrès raisonné, choisi et partagé » illustrant la relation entre techniques et société.
Leurs dysfonctionnements, de moins en moins admis par la société, peuvent se chiffrer en milliards d’euros et, surtout, coûter des vies humaines. Or, au-delà de leur réussite indéniable, les GSST ont en commun une vulnérabilité qui augmente : leur développement constant, les nouvelles technologies, la pénétration des TIC, la libéralisation sont à la fois sources de nouveaux services, mais aussi, avec la complexification et l’interdépendance induites, facteurs de vulnérabilité. Ces évolutions ont en outre conduit à la multiplication sur chaque GSST du nombre d’acteurs avec leurs logiques propres ce qui en augmente la fragilité et en com- plique la gouvernance.
Par ailleurs, globalement, les GSST sont de plus en plus internationaux. En Europe, le ferroviaire, le téléphone, l’électricité, ont vu le passage de monopoles nationaux ou régionaux verticalement intégrés et faiblement couplés à des modèles moins intégrés et caractérisés par de nouvelle répartitions des responsabilités, issus de directives européennes transposées dans chaque pays.
L’expérience des quinze dernières années, confirmée par les auditions réalisées par le groupe de travail, montre une vraie difficulté à concevoir de telles régulations et des gouvernances durables des GSST. Ces dernières doivent prendre en compte à la fois les évolutions techniques et les questions d’équilibre entre les aspirations locales et les problématiques nationales, permettre aux industriels d’investir, assurant les services au bon niveau de qualité et au moindre coût pour le consommateurs/ client/citoyen et ce, dans le respect des enjeux planétaires.
L’importance des GSST, nommés aussi infrastructures vitales par la Commission européenne, et les réflexions précédentes ont conduit le groupe de travail à trois propositions que l’on peut résumer ainsi :
- réaliser sans concessions ni a priori pour chaque GSST un retour d’expé- rience de ses évolutions sur tous les plans depuis vingt ans (fonctionne- ment, coûts, gouvernance et régulation, crises/incidents, dépendances vis-à-vis des autres GSST…) ;
- réfléchir aux évolutions possibles dans les vingt ans à venir (en termes de services rendus, de qualité, de coût, d’emplois, de maîtrise des risques, de gouvernance et régulation…) dans la logique du développement durable, à partir du retour d’expérience précédent, mais aussi d’une cartographie des compétences disponibles en France, notamment, pour assurer le maintien d’une vision globale permettant d’assurer le niveau utile de maîtrise du système et de son évolution ;
- développer la prise en compte des GSST dans l’éducation pour qu’ils soient mieux connus et appréciés, pour ce qu’ils apportent, pour les emplois qu’ils offrent mais aussi et surtout pour mieux faire apprécier sciences et tech- niques, pour montrer ce qu’est l’innovation en action.