Dans ce rapport, l’Académie des technologies indique les progrès médicaux apportés par le développement de la médecine ambulatoire, dans notre système de santé, repère les principaux freins à lever et incitateurs à encourager et émet des recommandations destinées à favoriser le développement de la médecine ambulatoire en particulier pour des patients âgés souffrant de maladies cardiovasculaires ou cancéreuses, avec le souci d’optimiser la gestion des coûts de santé.
Les comportements des patients se sont modifiés, de sorte que la plupart d’entre eux préfèrent éviter l’hospitalisation dans la mesure où une prise en charge médicale et des soins de qualité peuvent leur être proposés à domicile avec une sécurité équivalente. De plus, une proportion croissante de patients demande à exercer davantage de responsabilité dans la prise de décision concernant les soins requis par les affections dont ils souffrent. Cette évolution sociétale est confortée au plan médical par la mise en évidence que la participation active du patient à la prise en charge de sa maladie semble être un facteur positif pour sa qualité de vie voire sa survie. Par ailleurs, avec le poids croissant du vieillissement de la population conséquence de l’allongement de l’espérance de vie, les maladies chroniques et les incapacités prennent une part croissante sinon dominante dans le système de santé. Le développement de la médecine ambulatoire apparaît essentiel pour offrir des solutions médicales et technologiques adaptées qui répondent aux exigences économiques.
Ce développement est favorisé par l’évolution rapide des technologies au cours de ces dernières décennies. Leur adaptation au domaine médical rend désormais possible, hors hospitalisation,la réalisation d’actes médicaux ou de soins sophistiqués tels que l’enregistrement des fonctions biologiques pendant des durées prolongées, la transmission et l’analyse des informations ainsi recueillies, l’administration de traitements même « lourds », prolongés et complexes ou la détection précoce d’altérations du comportement.
Ces évolutions technologiques et sociétales accompagnent celles qui caractérisent les maladies elles-mêmes, ainsi que le soulignent plusieurs études épidémiologiques récentes. Alors que les affections aiguës constituaient la préoccupation principale en matière de santé au cours des précédentes décennies, les maladies chroniques représentent désormais les principales causes de morbidité et de mortalité dans le monde. En effet, la chronicité caractérise la plupart des maladies cardiaques, cérébrovasculaires ou neurodégénératives, les cancers, les insuffisances respiratoires ou rénales, le diabète et un grand nombre de maladies infectieuses. L’OMS estime qu’en 2005, les maladies chroniques sont responsables de 35 millions de morts dans le monde, soit 60 % du total des décès, toutes causes confondues.
Les maladies chroniques touchent 90 millions de personnes aux États-Unis, soit un tiers de la population et affectent la même part de la population en France, soit presque 20 millions. L’hospitalisation constitue actuellement le cadre principal des soins pour les patients souffrant de maladie chronique. Un doublement d’incidence des maladies chroniques est attendu d’ici vingt ans en raison de l’augmentation de la longévité. On peut donc estimer que leur prise en charge médicale requerra des solutions nouvelles, adaptées à l’accroissement de la demande de soins de la part des citoyens. En particulier, ces maladies chroniques, dont l’évolution est parfois émaillée d’accidents aigus, nécessitent une prise en charge médicale prolongée et fréquente pendant plusieurs années voire durant toute la vie. Il en va de même pour les patients souffrant de handicap moteur ou mental, de douleurs chroniques ou justifiant de soins palliatifs.
Dans ce rapport, l’Académie des technologies indique les progrès médicaux apportés par le développement de la médecine ambulatoire, dans notre système de santé, repère les principaux freins à lever et incitateurs à encourager et émet des recommandations destinées à favoriser le développement de la médecine ambulatoire en particulier pour des patients âgés souffrant de maladies cardiovasculaires ou cancéreuses, avec le souci d’optimiser la gestion des coûts de santé.
L’analyse détaillée des dimensions sociétales, médicales, technologiques et économiques de la médecine ambulatoire a conduit aux principales conclusions suivantes.
La médecine ambulatoire est un système complexe, évolutif et modulaire. Elle met en jeu de nombreux acteurs de nature très diverse, qui interagissent entre eux (patients, médecins, personnels infirmiers et paramédicaux…) et doivent assurer de manière coordonnée les fonctions diversifiées du système. Par ailleurs, celui-ci est fortement soumis à des flux d’informations qui transitent entre les nombreux intervenants. Il doit donc être étudié à l’aide des méthodes d’analyse des systèmes complexes, en particulier celui de l’information, bien connues des ingénieurs. Ce système d’information joue un rôle structurant fondamental et les connaissances le concernant rendent maintenant possible la mise en place de cette approche pour la médecine ambulatoire.
Au centre de ce système de santé apparaissent le patient et le médecin traitant. Ceci est une des originalités de cette approche novatrice. Elle induit des facteurs très forts en termes de droit et de formation :
– de droit, afin de préciser clairement les responsabilités de chacun, notamment du médecin traitant, qui définit le protocole à mettre en place et assure les relations entre les acteurs ;
– de formation de tous les intervenants, en particulier les médecins généralistes qui doivent acquérir l’ensemble des compétences associées à ces nouvelles responsabilités et le patient lui-même (et son entourage).
Il est apparu, enfin, que les aspects économiques induits étaient d’une importance considérable pour l’économie de la santé :
– par une adaptation des coûts, notamment au regard des besoins croissants de santé liés à l’accroissement de la durée de vie ;
– par l’émergence et le développement d’un secteur économique très important et à très forte valeur ajoutée, tant au niveau des prestations de la médecine ambulatoire que des développeurs et fournisseurs de technologies, de solutions intégrées et/ou de services.
Cette analyse privilégie une vision à long terme du développement de la médecine ambulatoire. Elle offre une chance unique d’une réforme en profondeur de notre système de santé et a conduit l’Académie des technologies à émettre cinq recommandations.
1. Développer en France et en Europe un effort important de recherche scientifique et technologique consacré à la médecine ambulatoire.
2. Mettre en place des formations à la médecine ambulatoire, notamment dans le cycle des études des médecins généralistes.
3. Assurer une information adaptée à l’intention des patients et de leur entourage.
4. Favoriser l’émergence d’un secteur économique de la médecine ambulatoire, fortement créateur d’emplois et de valeur ajoutée.
5. Mettre en place très rapidement des expérimentations pilotes, seules capables d’assurer un déploiement optimal de ces politiques.
La médecine ambulatoire représente une solution innovante, et probablement incontournable, aux problématiques de santé que posent désormais la part croissante des maladies chroniques et l’allongement de la durée de vie. Seules des mesures fortes permettront de développer les compétences nécessaires et de démontrer, par l’exemple, l’apport de cette approche. De telles mesures incitatives doivent être mises en place et représentent, pour la France, à la fois une nécessité et une chance pour l’émergence d’un marché mondial encore mal appréhendé