Compte rendu de la conférence-débat de l'Académie des technologies du 7 janvier 2025, de Pierre-Noël Giraud avec Pierre Veltz
« Panem et circenses ! » L’expression est de Juvénal. Le poète satirique de la fin du Ier siècle résumait ainsi la décadence des Romains, « qui jadis régnaient du Capitole aux deux bouts de la terre ». Et que leur faut-il désormais, déplorait le poète : « du pain et des jeux de cirque ».
À quelques siècles de là, ce que pointe Pierre-Noël Giraud, lorsqu’il reprend la formule en titre de son nouveau livre (Du pain et des jeux), c’est une société qui, si l’on n’agit pas vite et radicalement, comptera bientôt de plus en plus d’«inutiles», des laissés pour compte d’une économie triomphante et inégalitaire – voir son ouvrage précédent L’homme inutile. Autant d’oisifs qu’il faudra non seulement nourrir mais également divertir, à côté de tous ceux dont le temps disponible augmente et que les plateformes se chargent aussi d’assommer de « jeux ».
Comment résister à ce « sinistre » scénario ? Comment faire en sorte que le temps libre de chacun (qui représente environ un tiers d’une journée environ aujourd’hui) puisse être utilisé de la manière la plus riche possible ?
Un cadre étatique fort, en premier lieu, est nécessaire. Un État capable d’orienter les mécanismes économiques, et de délimiter deux sphères : celle du profit d’un côté, et de l’autre, une sphère régie par d’autres règles, prenant en charge les domaines où la qualité de la relation est essentielle. L’autre priorité est de faire basculer une part importante de notre temps collectif à des activités de soin. Il faudrait permettre, par exemple, à tous ceux qui le veulent, en vivant très sobrement, de ne « travailler » que deux jours par semaine, et d’occuper le reste du temps à des loisirs intelligents mais aussi à des activités bénévoles dans le secteur du soin.
Le temps est notre ultime ressource rare, sachons la préserver.
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