Avis de l’Académie des technologies
sur l’usage de la langue anglaise dans l’enseignement supérieur
Faisant suite à diverses opinions exprimées dans le cadre de la préparation de la nouvelle loi sur l’Enseignement Supérieur et la Recherche à propos de l’usage de l’anglais dans l’enseignement supérieur, l’Académie des technologies approuve les mesures proposées, au vu des deux angles d’analyse suivants :
Les étudiants et les enseignants étrangers en France
Dans la compétition économique mondiale, le savoir est un enjeu stratégique. L’enseignement supérieur français doit attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs, qui seront, ensuite, les ambassadeurs de notre pays et auront un impact très positif en matière de politique d’influence, de « soft power » et d’implantation économique. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie,
la Suède, les Pays-Bas et l’Allemagne l’ont parfaitement compris. La France, qui accueille quelque 230 000 étudiants étrangers non européens, a une tradition ancienne en ce domaine. Toutefois, ce nombre a diminué et la France est récemment passée du 4ème au 5ème rang dans le classement des pays accueillant des étudiants étrangers; sa position est ainsi fragilisée.
Attirer en France des étudiants étrangers en proposant une partie des enseignements en langue anglaise est essentiel. Ainsi la France n’accueille que 3 000 étudiants indiens alors que ceux-ci disposent d’un très bon niveau en Science et en Technologie. Le déficit en étudiants étrangers est une perte réelle dans le court et le long terme. En effet, ceux d’entre eux qui choisissent de rester en France après leur scolarité, constituent un vivier de qualité pour nos organismes de recherche et nos industries et peuvent également créer des start-up innovantes. A plus long terme, il est fréquent que les contacts noués entre les étudiants français et les étudiants étrangers qui suivent un cursus dans nos Écoles ou Universités se poursuivent après les années d’études. Les étudiants étrangers qui ont appris à aimer notre culture et à pratiquer notre langue au quotidien sont évidemment intéressés par des coopérations intellectuelles et économiques avec la France après leur retour dans leur pays d’origine.
Pour que cette « nébuleuse de sympathie » se crée et afin de soutenir la diffusion de la langue française, les étudiants étrangers non francophones doivent être amenés à suivre une formation en français langue étrangère (FLE) lors de leur cursus en France.
Quant aux enseignants étrangers, la possibilité de dispenser des cours en anglais (langue qu’ils maîtrisent, même si ce n’est pas leur langue maternelle) renforce l’attrait de nos établissements supérieurs tout en accroissant la capacité de disposer en France des compétences utiles les plus diverses. Marginaux il y a dix ans, les professeurs étrangers représentent désormais plus d’un tiers des professeurs dans les écoles de commerce et d’ingénieurs. Depuis quelques années, les universités cherchent à recruter elles aussi régulièrement de très grands spécialistes comme des prix Nobel mais aussi des enseignants-chercheurs en plus grand nombre pour étoffer les laboratoires de recherche, profiter des compétences correspondantes et faciliter la dissémination des résultats. Et la langue dans laquelle est dispensé l’enseignement ne doit pas être un obstacle.
La pratique de la langue anglaise par les étudiants français
La connaissance de l’anglais est très imparfaite au sortir du secondaire ; or la maîtrise de cette langue de « circulation internationale » (ce qui ne signifie pas de « culture internationale ») est une compétence absolument nécessaire. Les chercheurs et les enseignants sont habitués à cette langue. Les publications scientifiques et technologiques se font en anglais, de même que les interventions en conférence.
Dans les grandes écoles, un quart, voire un tiers des cours, est dispensé en anglais. (Ceci ne s’applique bien sûr pas à toutes les matières car certaines nécessitent un enseignement en français, par souci de précision dans la terminologie et de justesse dans le propos).
Il serait peu efficace et discriminatoire que les universités ne proposent pas une offre de ce type ; d’autant plus que la maîtrise d’une langue étrangère constitue un atout évident dans la recherche de stages ou d’emplois. De fait, certaines universités françaises dispensent déjà des cours en anglais.
CONCLUSION :
L’article 2 de la loi ESR est un moyen d’atteindre les buts fixés par notre Code de l’Éducation (art 121-3 : « La maîtrise de la langue française et la connaissance de deux autres langues font partie des objectifs fondamentaux de l’enseignement »).
Il permet d’offrir aux étudiants français une formation plus complète et mieux adaptée à un contexte international très concurrentiel.
Il facilite les coopérations scientifiques, technologiques et économiques avec les autres pays, y compris les pays émergents.
Le champ des recherches et des applications technologiques se situe naturellement au niveau international ; cette caractéristique va clairement s’accentuer. Les chercheurs et industriels français doivent être aidés plutôt que défavorisés par rapport aux autres pays.
L’Académie des technologies est tout à fait favorable à l’usage de la langue anglaise dans l’enseignement supérieur, et souhaite que ces pratiques soient étendues à la formation continue.