« Analyse des cycles de Vie »
Rapport -22 octobre 2002-Lorsqu’on veut étudier les relations entre l’homme et son environnement, il est commode de se référer à un schéma qui sépare deux ensembles : la « Nature » (elle-même constituée de sous-ensembles) et la « Société ». Entre ces deux blocs on peut identifier 4 flux d’échange :
La Société effectue des « prélèvements » (en matière et en énergie). Elle est également responsable « d’émissions » de toutes sortes. Ces deux flux constituent les « services que la Nature rend à la Société ». Ce faisant, l’état interne des quatre compartiments qui constituent la Nature changent. Il en résulte une modification, et en général une détérioration, des services rendus à la Société, et de leur rapport performance-prix. Il en résulte également des impacts (risques) sur la Société, et sur la santé humaine en particulier. Étudier l’ensemble du Schéma de la Figure 1 et des boucles qui le composent peut paraître hors de portée aujourd’hui. C’est pourquoi, lorsqu’on a voulu diminuer les perturbations que la Société apportait à la Nature (ce qu’on appelle les « perturbations d’origine anthropique »), la première approche a consisté à se placer à l’interface entre les deux blocs, et à diminuer les flux, en particulier le second. Diminuer ces flux veut dire, en première étape, réglementer par des normes, et taxer les « émissions ». En deuxième étape, cela veut dire développer des solutions industrielles de filtrage ou de dépollution. C’est ce qu’on a appelé l’approche « end of pipe« . Bien que cette approche ait donné beaucoup de résultats, elle est aujourd’hui l’objet de critiques générales et convergentes. On lui reproche d’être :
– Cloisonnée, et donc susceptible de donner naissance à des effets pervers. Les flux qui sont limités à un endroit s’échapperont par un autre. Telle action de correction engendrera des effets secondaires plus sérieux encore, etc …
– Contraire à l’innovation, car s’exerçant sous forme de contrainte, à la fin des processus industriels, sans prendre en compte leur logique globale
– De plus en plus chère, ce qui est le résultat des deux reproches précédents, ainsi que de la complexité croissante du système des interdictions.Ce sont ces critiques qui ont conduit à entreprendre l’étude détaillée des flux de matière et d’énergie au sein de la Société. Ces études, qui doivent permettre de savoir comment se forment les flux, portent sur les processus industriels pris dans leur ensemble, depuis la fabrication jusqu’à l’usage et à la destruction finale des produits. Ce sont les « Analyses du Cycle de vie ». Ce type d’analyse rejoignait d’autres traditions scientifiques consacrées à l’étude des comptabilités matière-énergie au niveau continental ou mondial. Il débouchait également sur l’étude du cycle complet de certains composants particulièrement importants pour l’évolution de la Biosphère (carbone, eau, azote, phosphore, soufre 1). Un rapport récent du National Research Council, « Grand Challenges in Environmental Sciences », retenait, parmi huit défis majeurs, l’étude des cycles des systèmes industriels (à peu de choses près, les ACV), et celle des cinq cycles liés à la Biosphère cités plus haut. D’autres considérations plaident pour la mise au point d’un (ou de plusieurs) outils d’analyse. C’est, en particulier, le besoin d’un meilleur dialogue entre les différents acteurs de la Société, et le besoin ressenti par ces acteurs de disposer d’une méthodologie d’évaluation des impacts de l’activité industrielle (des quatre flux qui figurent sur le schéma présenté plus haut). Ce que résume la déclaration faite par Klaus Töpfer, Directeur de l’UNEP : »De plus en plus, les consommateurs s’intéressent au monde situé derrière le produit qu’ils achètent. Penser en termes de Cycle de Vie signifie que chacun, dans la chaîne de vie d’un produit « du berceau à la tombe », a une responsabilité et un rôle à jouer, en tenant compte de tous les effets externes. A toutes les étapes du cycle de vie, les impacts doivent être examinés de façon approfondie, pour aboutir à des décisions réfléchies sur les modes de production et de consommation, sur les règles globales et sur les
stratégies de gestion. »Bien que dessiné de façon très rapide, ce tableau permet de voir dans quel contexte sont nées les ACV. Il explique le désir qu’a éprouvé l’Académie des Technologies de disposer d’un rapport précisant la place qu’occupent aujourd’hui les ACV, les problèmes rencontrés, et les progrès possibles. C’est ce rapport qui est présenté ici.