Chaque année, chercheurs, étudiants et industriels se retrouvent lors du Prix Jean Jerphagnon qui récompense l’innovation dans le domaine de l’optique-photonique. Le jury et son président, Alain Aspect des académies des sciences et des technologies, ont désigné cette année deux lauréats. La cérémonie a eu lieu dans le cadre des Rendez-vous Optique-Photonique pour l’industrie du futur organisés par l’Institut Mines-Télécom et l’Académie des Technologies. Ces rendez-vous mettent en lumière les innovations technologiques dans des secteurs industriels de l’optique les plus variées. Deux anciens lauréats du Prix Jerphagnon, Nathalie Picqué de l’institut Max Planck d’Optique Quantique et Vincent Studer de la société Alvéole, ont donné à cette occasion deux présentations respectivement sur la spectroscopie par peigne de fréquences optiques et sur la micro-fluidique et l’imagerie optique appliquées aux neurosciences.
Le Prix Jean Jerphagnon
Le Prix Jean Jerphagnon, organisé par l’IMT et l’Académie des technologies avec le soutien de la Fondation Mines-Télécom, veut honorer la mémoire et prolonger l’œuvre de Jean Jerphagnon, ingénieur des télécoms, inventeur et chercheur, décédé en 2005 et qui mena une carrière remarquable, de la recherche de base à l’innovation, dans le domaine de l’optique et de la photonique. Ce prix, doté de 12 000 € par an, a donc pour objectif de promouvoir l’innovation technologique et la diffusion de l’optique et de la photonique dans tout domaine d’application, en récompensant un chercheur qui a su mener des recherches de pointe, mais aussi a su les transférer.
Il est attribué à un chercheur ou une chercheuse ou bien à un ou une ingénieur(e) de 40 ans au plus qui porte un projet innovant :
- à grande valeur scientifique ou à fort potentiel industriel,
- marquant une étape dans sa carrière,
- comportant au moins un élément d’optique ou de photonique.
Le président du Jury, Alain Aspect, Professeur à l’Institut d’Optique et membre de l’Académie des Technologies, a remis lors de la cérémonie du 7 juillet deux prix ex aequo. Le Jury était composé de Jean-Louis de Bougrenet (IMT Atlantique), René Essiambre (Nokia Bell-Labs), Thierry Georges (Oxxius), Jean-Pierre Huignard (exThalesTRT), Caroline Kulcsár (Institut d’Optique Graduate school), Hervé Lefevre (iXBlue), Pascale Nouchi (Thales Research & Technology), Pascale Senellart-Mardon (C2N-CNRS), Jean-Louis Martin (Institut d’Optique Graduate school).
Les transferts technologiques et les innovations issues de la recherche académique sont nombreux, comme l’illustrent les candidats pour le prix Jean Jerphagnon, qui mènent souvent des projets entrepreneuriaux. Ce prix se veut à la croisée du monde de la recherche et de l’industrie. Les Rendez-vous de l’Optique-Photonique pour l’industrie du futur sont un cadre naturel afin de rassembler ses acteurs pour des échanges sur l’état de l’art ainsi que les grandes avancées à venir.
Emmanuel Hugot – Recherche sur les capteurs courbes
Les travaux de cet astrophysicien, chargé de recherche CNRS au laboratoire d’astrophysique de Marseille, portent sur la fabrication d’optiques free-forms (usinage numérique des optiques), d’optiques actives, de capteurs courbes/free-forms, ainsi que l’exploitation des méthodes d’impression 3D.
A travers sa start-up CURVE dont il est le directeur scientifique, il a développé le premier procédé industriel de production de capteurs courbes et free-form. Courber les capteurs permet de fabriquer des systèmes plus légers et compacts en limitant jusqu’à 50 %, l’ajout d’optiques (lentilles) de correction. Ces capteurs sont plus performants : le champ de vision peut être augmenté, la qualité d’image et son homogénéité sont améliorées ; le vignettage (assombrissement de la périphérie d’une image) peut être supprimé par conception, et le chromatisme réduit. Les applications sont multiples, l’imagerie étant omniprésente dans de nombreux dispositifs de recherche ou plus grand public : imagerie scientifique, biomédicale, embarquée (drones ou spatiale pour l’observation de la terre et le monitoring environnemental), la photographie sur smartphone, les véhicules autonomes, …
Suite au transfert de savoir-faire via CNRS-Innovation, Emmanuel Hugo a su industrialiser la fabrication de capteurs courbes et ainsi renforcer la position française dans l’industrie de l’optique face à l’Allemagne ou les Etats-Unis. La start-up CURVE est soutenue par le programme européen H2020.
Yoann Zaouter – Laser à impulsions ultracourtes
Au cours de ces vingt-cinq dernières années, l’augmentation constante des applications scientifiques et industrielles a motivé la recherche de sources laser à impulsions ultra-brèves, plus performantes et plus fiables. La durée des impulsions lumineuses des lasers Yb basés sur la technologie Ytterbium (Yb) est limitée. Aujourd’hui, un nombre croissant d’applications nécessitent des durées d’impulsions plus rapides tout en conservant les avantages des sources Yb.
En 2008, Yoann Zaouter rejoint l’unité de R&D d’Amplitude Laser où il développe la première génération d’architectures de lasers à fibre ultrarapides pour des applications industrielles et scientifiques. Ces derniers sont largement employés dans les industries des semi-conducteurs, de l’électronique grand public, des écrans et du secteur médical. Depuis 2009, il dirige un laboratoire commun de R&D partagé entre l’entreprise et Laboratoire Charles Fabry de l’Institut d’Optique. Ses recherches actuelles qui lui valent l’attribution du prix Jean Jerphagnon 2020, portent sur l’optique ultrarapide et non linéaire.
En effet, il s’intéresse à la réduction de la durée des impulsions en sortie de lasers femtoseconde industriels appliquée à la génération d’EUV (rayonnement ultraviolet extrême). Il valorise cette nouvelle génération de sources laser ultracourtes industrielles, comprimées temporellement et les applique à la génération de rayonnement EUV via le processus de génération d’harmoniques d’ordres élevés (HHG). Cette nouvelle génération vient se substituer aux chaines amplificatrices Ti-Saphir précédemment utilisées mais qui ne permettent plus d’offrir les paramètres nécessaires (puissance moyenne, fréquence de répétition, qualité de faisceau). Les utilisations sont prometteuses à la fois sur les plans scientifique et industriel, pour lesquelles ces sources lasers raccourcies temporellement permettent un bond technologique. A court terme, ses efforts se concentrent sur deux applications : la spectroscopie de photoémission résolue en angle et en temps (tr-ARPES) pour le marché scientifique et l’inspection de masque pour la photolithographie de semiconducteurs pour le marché industriel. Yann Zaouter, a obtenu en 2005 un doctorat en Laser, Matière et Nanoscience de l’Université de Bordeaux.
Les lauréats étaient en compétition avec deux autres finalistes :
- Emmanuel Lhuillier travaille sur le développement de composants optoélectroniques à base de nanocristaux colloïdaux. En collaboration avec la société New Imaging Technologies (NIT), il développe une nouvelle génération de capteurs infrarouges à bas coût dont la couche active est faite de nanocristaux.
- Rémy BRAIVE maître de conférences à l’Université de Paris s’est spécialisé dans les domaines de la nano-opto-mécanique. Il effectue des recherches sur les cristaux photoniques appliquée à l’étude d’effets de dynamique non-linéaire et d’interaction photon-photon dans les oscillateurs micro-ondes.
Les candidatures sont d’ores et déjà ouvertes pour le prix Jean Jerphagnon 2021, jusqu’au 21 octobre 2021.
Rendez-vous Optique-Photonique pour l’industrie du futur 2021 organisés par l’Institut Mines-Télécom et l’Académie des Technologies
Ces rencontres qui ont pour but sensibiliser la communauté scientifique aux mutations et grands enjeux industriels dans le domaine de l’optique et de la photonique, pour l’industrie du futur, ont été animées par Jean-Louis de Bougrenet, Professeur à IMT Atlantique. Cette édition 2021 rend hommage au prix avec l’intervention de deux anciens lauréats.
Nathalie Picqué, chercheuse à l’Institut Max-Planck d’Optique Quantique a présenté ses travaux sur les lasers à peignes de fréquences pour la spectroscopie moléculaire.
Elle étudie la spectroscopie de précision, la physique moléculaire, et la technologie laser. Elle a initié le domaine de recherche de la spectroscopie par peignes de fréquences à large bande spectrale, avec des premiers résultats expérimentaux dès 2005. Ses travaux pionniers, reconnus et encouragés par le Prix Jean Jerphagnon 2008, suscitent aujourd’hui l’intérêt. Plusieurs équipes perfectionnent les techniques démontrées par Nathalie Picqué afin de réaliser des instruments spectroscopiques précis, rapides et miniaturisés pour des applications allant de la recherche fondamentale en physique moléculaire à l’imagerie biomoléculaire et médicale. Avec son groupe, Nathalie Picqué continue de repousser les frontières des peignes de fréquences optiques, de l’interférométrie, et de la spectroscopie moléculaire.
Vincent Studer, cofondateur d’Alveole a présenté son dispositif de Prototypage et d’observation des modèles cellulaires 3D.
Il est chercheur au CNRS à l’Institut Interdisciplinaire de neurosciences (IINS) de l’Université de Bordeaux. Ses recherches portent sur l’influence du micro-environnement sur les mécanismes intra et intercellulaires, avec des applications en biologie cellulaire et médicale, notamment en cancérologie, immunologie ou neurobiologie. Il est à l’origine de plus de dix brevets. Il a cofondé en 2010 l’entreprise Alvéole pour valoriser ses travaux ce qui lui a valu de recevoir en 2017 le prix Jean Jerphagnon.