Le questionnaire auquel répondent les Femmes de tech est une variante du questionnaire de Proust, ainsi nommé non pas parce que Marcel Proust se serait égaré dans le métro parisien, mais en mémoire d’Emilie du Chatelet, femme de lettres, mathématicienne et physicienne, renommée pour sa traduction des Principia Mathematica de Newton et la diffusion de l’œuvre physique de Leibniz. Elle fût membre de l’Académie des sciences de l’Institut de Bologne. Emilie du Chatelet mena au siècle des Lumières une vie libre et accomplie et publia un discours sur le bonheur.
POURQUOI LA TECH ?
Pour le plaisir de pouvoir imaginer, créer et construire quelque chose avec une utilité et un but précis. Il n’y a rien de plus passionnant que la technologie spatiale pour moi. Imaginer et réaliser des engins capables d’explorer l’espace, à des années-lumière de nous c’est juste incroyable sans oublier nos satellites qui font partie de notre vie de tous les jours.
VOTRE PARCOURS ?
Mon parcours est assez classique terminale S, prépa suivie d’école d’ingénieurs avec une spécialisation sur les systèmes de télécommunications. L’objectif pour moi était d’avoir un parcours assez généraliste pour toujours avoir le choix de faire ce que je voulais.
VOTRE PREMIÈRE EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE DANS LA TECH ?
En 2013, chez Thales Alenia Space, j’ai travaillé sur la mission Exomars plus particulièrement sur le système de communication de la sonde qui a été lancé en 2016. Son objectif est d’étudier l’atmosphère martien et de faire relai de communication entre les astromobiles sur Mars et la Terre. Je me souviens toujours de la première fois que j’ai vu l’engin en salle blanche, je me suis sentie petite, littéralement !
VOUS FAITES QUOI AUJOURD’HUI ET POURQUOI ?
Je suis responsable de la stratégie de nouveaux business dans le spatial plus particulièrement des futurs services en orbite : On-Orbit Servicing. L’environnement spatial proche de la Terre devient un espace de plus en plus encombré mais pour autant il est impossible d’imaginer vivre sans ses satellites au-dessus de nous. Nous imaginons des véhicules qui permettront de soit étendre la vie d’un satellite en le ravitaillant en carburant, en le réparant par exemple ou procéder à sa désorbitation en fin de vie. Ce sujet combine pour moi une belle vision pour le futur du spatial et le développement de belles technologies avec ce futur véhicule robotique autonome pour effectuer ses opérations de services en orbite.
VOS ATOUTS POUR CE POSTE ?
J’ai été responsable de projet de recherche et de développement européens (des H2020) sur les technologies pour permettre le développement de ce nouveau business. Le projet I3DS dont je me suis occupée de 2016 à 2019 a développé des capteurs pour permettre l’autonomie de ces véhicules robotiques dont j’ai parlé plus haut. Ce projet a d’ailleurs remporté le trophée des étoiles de l’Europe. J’ai également suivi un autre projet en cours dont je ne suis plus responsable qui s’appelle EROSS qui démontre au sol les technologies de rendezvous en orbite. Et pour finir j’ai mené au gain de sa suite EROSS+ qui étudie une mission de démonstration en orbite de toutes ces technologies.
J’ai ainsi développé la connaissance technique, celle du marché et également bien compris les enjeux sur ce sujet qui me permettent maintenant de développer ce projet à plus haut niveau : because knowledge is power !
VOS DÉFIS PASSÉS, VOS RATÉS, VOS GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE ?
Il y a un moment qui me revient où je me suis sentie assez seule : c’était lors de la première présentation de mon premier projet européen, j’avais 25 ans et j’étais devant une armée d’hommes. Comme c’était la première fois, il fallait faire une bonne impression, montrer que j’étais la bonne personne, sachant que j’avais su que quelques jours avant que je devais m’occuper du projet, c’était un beau défi ! Heureusement tout a bien fini, j’ai pu faire mes preuves et j’ai eu un super client compréhensif qui m’a accompagné et qui m’a félicité à la fin du projet.
J’ai souvent eu le sentiment de ne pas être à la hauteur, je me demandais tous les jours si je méritais mon poste, si je le valais bien et je travaille beaucoup en ce sens : c’est quelque chose que j’apprends encore à surmonter.
VOS MEILLEURS MOMENTS, LES SUCCÈS DONT VOUS ÊTES FIÈRE ?
Il y a plusieurs moments de ma vie dont je suis très fière et d’ailleurs pas uniquement pour moi mais aussi pour mes parents : le trophée femme de l’industrie de l’Usine Nouvelle dans la catégorie début prometteur en 2017 et l’étoile de l’Europe en 2019, en étant dans le spatial, c’est encore plus spécial !
Et puis récemment d’avoir décroché un poste à la stratégie avant mes 30 ans chez Thales Alenia Space, c’est une vraie réussite personnelle pour moi.
DES PERSONNES QUI VOUS ONT AIDÉE/MARQUÉE OU AU CONTRAIRE RENDU LA VIE DIFFICILE ?
2 ans après le PVST (Prix de la Vocation Technique et Scientifique) en 2008, il y a eu un groupe de travail qui a donné naissance à Allez les Filles Osez les Sciences ! pour encourager les jeunes femmes à faire des études scientifiques. Cela a été un tournant dans ma vie et toutes les personnes que j’ai rencontré dans ce cadre m’ont inspiré : la personne à l’origine de cette initiative Marie Agnès, le groupe des filles qui sont devenues des amies et bien sûr ma marraine Claudie Haigneré. C’est une expérience inoubliable.
J’ai beaucoup de chances également d’avoir autour de moi des personnes bienveillantes aussi bien dans mon entourage familial que professionnel, je les remercie d’être là.
Pour ceux qui m’ont rendu la vie difficile, je préfère les ignorer et les oublier, mes parents m’ont toujours dit que c’étaient des personnes jalouses qui ne méritent pas qu’on leur prête attention : c’est un très bon conseil.
VOS ENVIES ET DÉFIS À VENIR ?
Voyager me manque beaucoup aussi bien dans ma vie personnelle que dans ma vie professionnelle. Cette période qu’on traverse n’en finit pas donc j’espère découvrir de nouveaux lieux très prochainement : il y a tellement de choses à voir dans le monde.
ET VOUS FAITES QUOI EN DEHORS DE VOTRE TRAVAIL ?
En temps normal du sport : je fais du tennis depuis très jeune et c’est un sport qui m’a beaucoup discipliné et qui m’a appris à me surmonter, ça a forgé mon mental. J’ai grandi en regardant Roger Federer que j’adore toujours regarder jouer.
Sinon j’écoute beaucoup de musique, de tous genres et je ne peux pas passer une journée sans musique. J’ai découvert la K-pop il y a plus de 10 ans et j’aime beaucoup les artistes coréens du groupe BTS.
VOS HÉROÏNES (HÉROS) DE FICTION, OU DANS L’HISTOIRE ?
Mulan : ayant grandi dans les années 90, je n’ai pas échappé aux films Disney. Et cette histoire m’a beaucoup inspirée dans ma jeunesse par son courage, sa volonté de sauver l’honneur de sa famille tout en restant fidèle à elle-même.
VOTRE DEVISE FAVORITE ?
Everything is going to be alright.
UN LIVRE À EMPORTER SUR UNE ÎLE DÉSERTE ?
Harry Potter. Bon techniquement il y en a 7… :) mais c’est le premier livre que j’ai lu qui m’a vraiment fait m’échapper et oublier la vie réelle et je me dis que sur une île déserte on a besoin d’imagination pour survivre.
UN MESSAGE OU UN CONSEIL AUX JEUNES FEMMES ?
Ça peut paraître évident comme message mais il faut tout simplement ne pas se poser de questions si on a envie de faire quelque chose : oser et foncer. Je ne dis pas qu’il ne faut pas réfléchir avant de prendre une décision mais personne ne le fera pour vous.