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Fanny MAS

  • Expert Métallurgie R&D
  • Constellium
  • 39 ans
  • Parrainée par Bruno DUBOST en 2025

Pourquoi la tech ?

Petite, j’ai toujours apprécié comprendre le monde et les choses qui nous entourent. Je me revois petite fille ébahie devant des robots en démonstration dans le cadre de la Fête de la Science. En grandissant, j’ai voulu joindre l’utile à l’agréable et ai poursuivi dans la tech comme un moyen d’apporter des solutions à notre société.

Votre parcours ?

Diplômée de l’École Polytechnique, j’ai fait un Master en sciences des matériaux aux Etats-Unis (MIT à Boston) suivi d’une thèse en métallurgie pour l’industrie nucléaire française. J’ai ensuite intégré le Centre de Recherche de Constellium, entreprise spécialisée dans la conception et la fabrication de produits en aluminium pour les secteurs de l’automobile, l’aéronautique et l’emballage. J’y travaille depuis bientôt 10 ans en tant qu’ingénieur R&D métallurgiste.

Votre première expérience professionnelle dans la tech ?

Fraîchement sortie de thèse, arrivée depuis 9 mois au sein de l’entreprise Constellium, voilà que mon manager de l’époque me demande de rejoindre une équipe de technologues pour aider l’une de nos usines qui faisait face à des problèmes de qualité sur les tôles en aluminium destinées à l’aéronautique. Jetée dans le grand bain, il faut bien avouer que j’appréhendais un peu et craignais de ne pas être à la hauteur. Ça a été une expérience très formatrice grâce à une équipe projet hyper motivée et bienveillante. J’ai alors véritablement fait l’expérience que la compréhension fine des mécanismes à l’œuvre dans la matière pouvait résoudre des problèmes industriels très concrets. J’ai finalement adoré !

Que faites-vous aujourd’hui et pourquoi ?

Je travaille actuellement comme ingénieur Recherche et Développement pour l’industrie automobile. Je cherche à développer/améliorer des alliages et des procédés pour l’aluminium qui sera utilisé dans les véhicules de demain. Ce que j’apprécie particulièrement est la recherche permanente du meilleur compromis entre les propriétés du produit final (aptitude à la mise en forme, durabilité en service…), la facilité à le fabriquer et  son impact sur l’environnement. C’est un domaine dans lequel les enjeux d’empreinte carbone des matériaux sont de plus en plus présents.

Vos atouts pour ce poste ?

C’est un poste très varié dans lequel il faut être capable de comprendre des domaines techniques complexes et interagir avec des interlocuteurs très différents les uns des autres. Cela comprend aussi bien des recherches académiques avec des chercheurs de l’université, que des interactions avec le personnel de production de nos usines ou encore des échanges avec les services de la stratégie pour orienter des choix clefs pour l’entreprise. Et c’est dans cette richesse que je m’épanouis énormément.

Vos défis passés, vos ratés, vos grands moments de solitude ?

Mon plus grand moment de solitude est certainement mon travail de recherche en Master dans un laboratoire de matériaux pour le nucléaire aux Etats-Unis. Je devais mettre en œuvre des mesures de propagation de fissures dans des autoclaves sous pression et à haute température pour les futures générations de réacteurs nucléaires. Je ne savais pas vraiment comment m’y prendre et étais totalement laissée à moi-même (encadrant absent, thésards peu aidants…). Mon expérience en recherche aurait pu s’arrêter là… Je suis rentrée en France après un an en jurant de ne plus mettre les pieds dans un laboratoire de recherche académique. Ne jamais dire jamais…

Vos meilleurs moments, les succès dont vous êtes fière ?

En tant que chercheur, il y a toujours une petite jouissance à découvrir une solution à un problème d’apparence complexe, à comprendre des phénomènes dont la logique nous échappait jusqu’alors, à obtenir des résultats qui donnent satisfaction à l’échelle industrielle. La recherche d’une solution peut parfois être longue et laborieuse. Alors quand la lumière apparaît, parfois soudainement, c’est toujours un moment de plaisir, d’autant plus quand on le partage avec d’autres. Les succès récents ont concerné notamment la fabrication d’alliages d’aluminium aptes à être fabriqués à partir de matière recyclée, tout en conservant le même niveau de propriétés, ou encore l’industrialisation de machines de tri pour récupérer de l’aluminium issu des véhicules en fin de vie. Ce sont ces petits succès d’équipe qui font que je suis tous les jours bien motivée pour aller travailler.

Des personnes qui vous ont aidée/marquée ou au contraire rendu la vie difficile ?

Je dois beaucoup à mes parents car ils m’ont toujours soutenu dans mes projets les plus fous sans émettre le moindre doute, sans jamais mentionner le mot « impossible ». Et puis, il y a eu beaucoup de rencontres déterminantes : des enseignants qui m’ont stimulée, des managers qui m’ont fait confiance et surtout des collègues inspirants qui ont partagé mon quotidien professionnel. En effet, pour chaque réussite jusqu’à maintenant, il y a eu un travail en équipe, une collaboration étroite avec des collègues complémentaires.

Vos envies et défis à venir ?

Nous vivons une période passionnante pour l’innovation en science des matériaux. La nécessité de réduire l’impact des activités industrielles sur l’environnement ainsi que notre notre dépendance vis-à-vis de l’extraction minière nous obligent à repenser notre façon de produire, avec des défis colossaux en matière de recyclage et d’économie circulaire. Nous avons le devoir de ne pas passer à côté de ce rdv, et les chercheurs ont, me semble-t-il, un rôle primordial à jouer sans tomber dans le technosolutionisme aveugle.

Et que faites-vous en dehors de votre travail ?

J’aime faire du sport en extérieur (course à pied, ski de fond, vélo) et passer du temps dans la nature avec mon conjoint et mes deux enfants.

Vos héroïnes (héros) de fiction, ou dans l’histoire ?

J’ai beaucoup d’admiration pour celles qui ont réussi dans un milieu qui leur était initialement plutôt hostile. En sciences, je pense notamment à Marie Curie, première femme à avoir reçu le Prix Nobel, et qui reste encore aujourd’hui la seule femme à en avoir reçu deux. Dans le monde politique, je citerais Gisèle Halimi, avocate et militante féministe franco-tunisienne qui s’est battue pour la légalisation de l’avortement, la reconnaissance des actes de torture pendant la guerre d’Algérie, l’abolition de la peine de mort et la criminalisation du viol.

Votre devise favorite ?

« La Terre n’est pas un don de nos parents, ce sont nos enfants qui nous la prêtent. » (proverbe indien)

Un livre à emporter sur une île déserte ?

Certainement un recueil de poèmes (Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire ou La Légende des Siècles de Victor Hugo), monuments de littérature que je n’ai lus que partiellement et qui devraient permettre à mon esprit de s’évader si je suis isolée sur une île déserte.

Un message ou un conseil aux jeunes femmes ?

Surtout n’hésitez pas, osez faire les choses dont vous avez envie sans vous mettre de limites. Il n’y a pas de choses réservées aux hommes !

LE QUESTIONNAIRE
DU CHATELET

Le questionnaire auquel répondent les Femmes de tech est une variante du questionnaire de Proust, ainsi nommé non pas parce que Marcel Proust se serait égaré dans le métro parisien, mais en mémoire d’Emilie du Chatelet, femme de lettres, mathématicienne et physicienne, renommée pour sa traduction des Principia Mathematica de Newton et la diffusion de l’œuvre physique de Leibniz. Elle fût membre de l’Académie des sciences de l’Institut de Bologne. Emilie du Chatelet mena au siècle des Lumières une vie libre et accomplie et publia un discours sur le bonheur.

Emilie Du Chatelet

Femme de lettre, mathématicienne, physicienne

1706 - 1749